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Editions Fin mars début avril
3 décembre 2010

Maria Callas - Norma


Au milieu de la table, trônait un haut vase bleu, souvenir de la maison de ses parents à Épinal, et qu’elle avait emporté lorsqu’elle les avait quittés pour s’installer à Nancy. Mais, comme tous les jours depuis le 28 août 1968, le vase, ce soir-là, resta vide.
Pour peupler le silence que ses voisins lui avaient gentiment offert comme cadeau d’accueil, elle mit un disque sur lequel Maria Callas transfigurait Norma, de Bellini – son opéra fétiche, dans la plus touchante interprétation qu’il lui ait jamais été donné d’écouter. Elle déboucha alors une bouteille de crémant et se servit un verre, un seul. Elle le savoura lentement, debout face à la fenêtre, en regardant, sur le fond incarnat du ciel, le parc Sainte-Marie qui se parait pour la nuit en dénouant sans façon ses feuillages au vent du crépuscule. Quand l’obscurité fut posée sur les cimes ondulantes, Alice remit les bouteilles sur les étagères du débarras, les toasts, saucisses et boudins dans des Tupperware, les macarons dans une grande boîte en métal, et elle couvrit chaque tarte et chaque quiche d’un torchon blanc. Elle ne savait où les mettre : le débarras était plein, sa chambre n’était pas un garde-manger, la cuisine était vraiment minuscule… Elle les laissa donc sur la grande table. Il ne lui restait plus qu’à aller se coucher.
Après avoir éteint la lumière du séjour, elle jeta un dernier regard derrière elle. Dans la clarté livide qui montait de la rue, elle trouva que cet alignement de torchons sur la table ressemblait à une procession de pénitents blancs. Une procession immobile de pénitents aplatis. Elle se détourna et gagna sa chambre. 

Extrait du roman Invitation pour la petite fille qui parle au vent - Pages 175 et 176


CALLAS - CASTA DIVA
envoyé par birdy66.

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